Chapitre 1 – Comment les économistes, sociologues et politistes raisonnent-ils ?

Application : comprendre la question de base de l’économiste et ses outils méthodologiques

Objectifs d’apprentissage

Comprendre :

  • qu’une des questions de base de l’économie est : « Qu’est-ce qu’une allocation efficace des ressources rares ? »
    – que celles de la sociologie sont : « Comment fait-on société ? Comment explique-t-on les comportements sociaux ? » ;
  • et que celle de la science politique est : « Comment se conquiert et s’exerce le pouvoir politique ? ».
  • Comprendre que ces disciplines réalisent des enquêtes et utilisent des données et des modèles (représentations simplifiées de la réalité).
  • À partir d’exemples, comprendre la distinction entre causalité et corrélation et
    savoir mettre en évidence un lien de causalité.

Question 1 : Comprendre la question de base de l’économie

Vous avez appris que la question fondamentale en économie était celle de l’allocation des ressources rares. On ne peut pas tout avoir ! Et pourtant, on voudrait bien tout avoir… La rareté oblige à faire des choix, et c’est cette question, la question des choix dans un univers de rareté qui empêche l’économiste de dormir

  • Marcel a un budget de 100 euros pour organiser un incroyable barbecue d’anniversaire. Il souhaite acheter des merguez, des chipolatas, des pommes de terre et des bières. Il a bien en tête le dicton « mieux vaut trop que pas assez », et il est donc toujours tenté de rajouter des merguez, des chipolatas, des pommes de terre et des bières dans son caddie. Mais son budget est limité. Alors il faut choisir. Est-ce un problème d’économiste ?

Oui, c’est un problème d’économiste ! Marcel est confronté à un problème de RARETÉ : la rareté de l’argent. Il a une contrainte de budget, il n’a « que » 100 euros. C’est déjà beaucoup, mais il a une limite. Il ne peut pas prendre toujours plus, et il doit donc faire des CHOIX. Rareté, choix, les 2 maîtres mots de l’économiste sont bien là.

  • Saskia a 2 semaines de vacances. Elle a envie de partir avec son amie Louane à la plage, mais elle a aussi envie d’aller voir sa cousine Hannaé en Touraine, et de rester à la maison pour réviser avant la rentrée. Idéalement, elle passerait toutes les vacances à faire chaque activité ! Est-ce un problème d’économiste ?

Oui, c’est un problème d’économiste ! Saskia est confrontée à un problème de RARETÉ : la rareté du temps. Elle n’a que 2 semaines de vacances. Elle doit faire des CHOIX. Comme Marcel qui a une contrainte d’argent, elle a une contrainte de temps qui l’oblige à choisir. Rareté, choix, les 2 maîtres mots de l’économiste sont à nouveau bien là !! Vous serez peut-être surpris de l’apprendre, mais beaucoup de modèles en économie se concentrent en priorité sur la contrainte de temps.

  • Les électeurs sont mécontents. Ils voudraient plus d’argent pour les hôpitaux. Ils voudraient également plus d’argent pour l’éducation, car beaucoup d’écoles et d’université manquent de moyens. Il faudrait affecter plus de ressources pour la recherche, sinon, comment espérer qu’on puisse trouver des solutions pour soigner le Covid 19 ? La culture doit également être revalorisée. Mais nous ne pouvons pas accepter que des impôts trop lourds viennent gréver les budgets des ménages modestes, et les plus riches pourraient s’exiler fiscalement s’ils jugeaient trop lourd l’effort qui leur était demandé. Creuser la dette de l’Etat, c’est faire peser nos dépenses sur les générations futures… Est-ce un problème d’économiste ?

Oui, c’est un problème d’économiste ! La collectivité est confrontée à un problème de RARETÉ : la rareté des ressources, du budget de l’État. Ce budget n’est pas infini, et il y a beaucoup de choses à financer. Il faut faire des CHOIX. A nouveau, « rareté », « choix », c’est un problème d’économiste.

  • Micheline vit avec Robert depuis de longues années. Ils s’entendent bien. Mais récemment, elle a rencontré Gérard qu’elle trouve charmant. Peut-être devrait-elle « refaire sa vie » avec Gérard ? Mais ne serait-ce pas dommage de gâcher son mariage avec Robert ? Est-ce un problème d’économiste ?

Oui, c’est un problème d’économiste ! Micheline est confrontée à un problème de RARETÉ : la rareté du temps. Elle n’a qu’une vie. Elle ne peut pas finir sa vie avec Robert, ET finir sa vie avec Gérard. Soit elle vit avec l’un, soit elle vit avec l’autre. Elle pourrait faire une garde alternée me direz-vous. Ça ne change rien ! Elle n’aurait qu’une demie-vie avec Robert et une demie-vie avec Gérard, elle aurait donc renoncé à vivre TOUTE sa vie avec l’un, ou toute sa vie avec l’autre. Mais la polyandrie ne serait-elle pas envisageable, diraient les plus inventifs ? Si Robert et Gérard étaient d’accord, elle pourrait peut-être vivre avec les deux ensemble. Certes, mais elle renoncerait quand même alors à avoir une relation exclusive avec l’un ou avec l’autre. Quelle que soit sa préférence, et donc son CHOIX final, elle aura renoncé aux autres options. Peut-être que l’un des renoncements lui semblera très peu coûteux, mais elle aura quand même renoncé. « Rareté », « choix », c’est un problème d’économiste. Vous serez peut-être surpris, car on imagine mal un économiste réfléchir à une question de mariage. Et pourtant, un économiste comme Gary Becker (Nobel d’économie en 2000) a bel et bien appliqué la théorie économique au mariage, au crime, au racisme… Il faut bien comprendre que c’est la démarche et les outils méthodologiques qui caractérisent une discipline, et pas ses objets d’études.

  • Les élèves apprennent mieux lorsqu’ils sont peu nombreux dans une classe. Idéalement on aimerait qu’il n’y ait que des classes de 10 élèves, mais il n’y a pas assez de professeurs. Vaut-il mieux répartir également les élèves entre tous les professeurs, avec 30 élèves par classe pour tout le monde, ou faire quelques classes de 10 élèves pour certains (pour les CP qui apprennent à lire, pour les élèves qui ont des difficultés scolaires…) et de 35 élèves pour les autres ? Est-ce un problème d’économiste ?

Oui, c’est un problème d’économiste ! Le ministère de l’éducation est confronté à un problème de RARETÉ : la rareté des professeurs. On ne peut pas faire que des classes de 10 élèves, il faut donc faire des CHOIX. A nouveau, on a bien rareté et choix.

  • On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre. Est-ce un problème d’économiste ?

C’est une boutade mais vous comprenez l’idée. On ne peut pas tout avoir. Il faut faire un CHOIX. C’est un problème d’économiste !

  • John est multimilliardaire. Il possède plusieurs villas partout dans le monde, et s’il souhaitait s’en acheter une de plus, ce serait tout à fait à sa portée. Il a 20 Porsches et autant de Ferraris, des pianos à queue qui font des cocktails, des piscines de fleurs, et il a fait installer au-dessus de chacun de ses lits des grappes de raisin avec un capteur qui détecte l’instant précis où John salive, pour qu’un grain tombe tout seul, sans qu’il ait besoin de lever le bras. Peut-on dire de John qu’il n’a plus aucun problème qui nécessiterait le secours d’un économiste ?

Non ! On a toujours besoin d’un économiste près de soi. John ne peut pas s’abstraire du problème de la rareté. C’est un problème universel. John, malgré toutes ses richesses, sait bien qu’il va mourir un jour. Il n’a, lui aussi, qu’une seule vie. Certes il a 20 Porsches, mais il ne peut pas rouler dans ses 20 Porsches en même temps. John aussi doit faire des CHOIX…

Question 2 : Comprendre les outils de l’économiste

Les économistes utilisent des modèles pour représenter la réalité d’une façon simplifiée pour pouvoir répondre à une question de recherche précise (prendre en compte la réalité dans son exhaustivité et toute sa complexité tout le temps serait fastidieux… et une partie de cette complexité est inutile pour considérer certaines questions…)

Les économistes utilisent ensuite des enquêtes quantitatives¨, c’est à dire des données statistiques pour comprendre ce qui se passe dans la réalité, « faire parler le réel », et vérifier si ses théories sont justes ou fausses.

  • On souhaite faire une étude sur les personnes les plus riches de France, et en particulier sur la place des revenus du travail par rapport au patrimoine dans les grandes fortunes. D’après vous, parmi les propositions suivantes, laquelle ou lesquelles sont des démarches d’économiste, avec des outils d’économiste ?
    1. On utilise une enquête de l’INSEE qui a interrogé 20 000 ménages. L’échantillon est représentatif (il y a la même proportion de jeunes, de vieux, de familles monoparentales, de citadins, de célibataires, de familles habitant dans les Bouches du Rhône, etc. dans l’échantillon de 20 000 ménages que dans la population française entière). On regarde, pour les ménages les plus riches de l’échantillon, quelle proportion de leur richesse vient des revenus de leur travail, et quelle proportion vient de leur patrimoine.
    2. Cette approche méthodologique n’est pas celle d’un économiste. Il s’agit d’une enquête qualitative, et ce sont d’autres sciences humaines et sociales qui s’en servent
    3. La répartition de la richesse est bien évidemment une question d’allocation des ressources rares, et donc une question d’économiste. (Mais c’est une question qui peut aussi être considérée par d’autres sciences humaines et sociales)

On utilise une enquête de l’INSEE qui a interrogé 20 000 ménages. L’échantillon est représentatif (il y a la même proportion de jeunes, de vieux, de familles monoparentales, de citadins, de célibataires, de familles habitant dans les Bouches du Rhône, etc. dans l’échantillon de 20 000 ménages que dans la population française entière). On regarde, pour les ménages les plus riches de l’échantillon, quelle proportion de leur richesse vient des revenus de leur travail, et quelle proportion vient de leur patrimoine.
Voilà la bonne réponse. Il s’agit bien d’une enquête quantitative, qui permet de faire des statistiques. C’est un outil des économistes

  • On souhaite faire une étude sur l’intérêt pédagogique d’apprendre au sein de classes à effectif réduit. D’après vous, parmi les propositions suivantes, laquelle ou lesquelles sont des démarches d’économiste, avec des outils d’économiste ?
    1. On envoie des chercheurs faire des observations dans des classes à effectif réduit et dans des classes plus grandes. Ils analysent la qualité du lien pédagogique professeur-élève dans chaque configuration.
    2. On fait une expérience répartissant au hasard un grand nombre d’élèves dans des classes de petits effectifs ou dans des classes de gros effectifs, et on compare leur moyenne scolaire après une année.
    3. La question du meilleur choix pédagogique entre classes à effectifs réduits ou classes deplus grande taille n’est de toute façon pas une question d’économiste.
  1. Cette approche méthodologique n’est pas celle d’un économiste. Il s’agit d’une enquête qualitative,,et ce sont d’autres sciences humaines et sociales qui s’en servent.
  2. Voilà la bonne réponse. Il s’agit bien d’une enquête quantitative, qui permet de faire des statistiques. C’est un outil des économistes.
  3. Si, c’est aussi une question d’économiste : il s’agit d’allouer des ressources RARES (les professeurs), donc de faire le meilleur CHOIX. (Mais c’est une question qui peut bien sûr être considérée par d’autres sciences humaines et sociales).
  • On souhaite faire une étude pour savoir si l’argent ne fait pas le bonheur. D’après vous, parmi les propositions suivantes, laquelle ou lesquelles sont des démarches d’économiste, avec des outils d’économiste ?
    1. On utilise une enquête de l’INSEE qui a interrogé 20 000 individus représentatifs de la population française (il y a la même proportion de jeunes et de vieux, de diplômés et de non-diplômés, de gens qui habitent dans une maison plutôt que dans un appartement etc… dans cet échantillon et dans la population générale). L’enquête renseigne le niveau de revenu de chaque individu et leur réponse à la question “Êtes-vous heureux, sur une échelle de 0 à 10 ?”
    2. On allonge 2 fois par semaine des individus sur un divan pendant 45 minutes, on les laisse parler, et on essaie de comprendre, à partir de leurs entretiens retranscrits, le lien qu’ils établissent entre leur bien-être et leur richesse.
    3. La question du bonheur n’est de toute façon pas une question d’économiste.
  1. Voilà la bonne réponse. Il s’agit bien d’une enquête quantitative , qui permet de faire des statistiques. C’est un outil des économistes.
  2. Cette approche méthodologique n’est pas celle d’un économiste. Il s’agit d’une enquête qualitative, et ce sont d’autres sciences humaines et sociales qui s’en servent
  3. Si, c’est aussi une question d’économiste !! On voudrait TOUT AVOIR pour être heureux, mais on ne peut pas, on a toujours une frustration car on vit dans un univers de rareté. Cependant, les CHOIX qu’on fait nous conduisent à plus ou moins de bonheur. Cette question peut donc bien être abordée par un économiste. Mais bien sûr elle peut aussi être abordée par d’autres disciplines de sciences humaines et sociales.
    Rappelez-vous que ce n’est pas l’OBJET d’étude qui permet de dire s’il s’agit de telle ou telle discipline mais la DÉMARCHE. Un économiste, un sociologue, un psychologue, un historien, peuvent tous étudier la répartition des richesses, la révolution française, les meilleurs outils pédagogiques, la reproduction sociale, et même les cauchemars… MAIS l’économiste le fera avec une démarche qui prend d’abord en compte le problème des CHOIX dans un univers de RARETÉ, avec des MODÈLES et des DONNÉES STATISTIQUES, tandis qu’un historien le fera en analysant des archives, un sociologue utilisera en complément des enquêtes statistiques des entretiens et des observations, etc…

Approfondissement : corrélation et causalité

Le scientifique Franz Messerli a un jour fait un constat troublant : les pays qui reçoivent le plus de prix Nobel proportionnellement à leur population sont aussi ceux qui consomment davantage de chocolat par personne. Faut-il y voir un lien ? Probablement pas ! (…)

Le chocolat pourrait nous rendre plus intelligent. Certaines études attribuent cette propriété aux flavanols contenus dans ces denrées. Cependant, cela ne fait pas l’unanimité dans le monde de la recherche. (…) Franz Messerli était en voyage à Katmandou. N’ayant rien à faire pour s’occuper dans sa chambre d’hôtel, il a eu l’idée de vérifier le lien entre chocolat et intelligence en regardant la corrélation entre la consommation de chocolat et le nombre de prix Nobel par habitant. (…)

L’étude : des prix Nobel forts en cacao

Le chercheur, non sans ironie, se dit stupéfait par les résultats observés. Plus la consommation de chocolat par habitant est forte, plus un territoire a de chances de fournir un prix Nobel, si on le rapporte à sa population.(…) [D’après l’auteur] pour qu’un État obtienne davantage de récompenses, il lui faudrait augmenter sa consommation de chocolat par habitant de 400 g chaque année. (…) Cependant, il reconnaît que l’intelligence ne s’explique pas forcément par le chocolat, apportant une autre hypothèse. Les prix Nobel pourraient être des gens tellement savants qu’ils connaîtraient les vertus du cacao sur l’intellect, expliquant ainsi pourquoi ils en mangent davantage… L’œil extérieur : un peu d’humour, ça ne fait jamais de mal Bien évidemment, Franz Messerli a tout simplement voulu s’amuser un peu. Pourtant, ces résultats ne surprennent pas Eric Cornell, distingué en 2001 pour ses travaux de physique. « La consommation nationale de chocolat est corrélée à la richesse d’un pays et la recherche de haute qualité est elle aussi corrélée avec la richesse d’un pays. […] Il n’y a pourtant aucun lien entre les deux. » N’aurait-il pas compris l’ironie de l’étude ? Bien sûr que si. Car il conclut : « Si vous voulez un prix Nobel de chimie ou de médecine, vous pouvez vous permettre du chocolat au lait, mais pour un prix Nobel de physique, le chocolat noir est plus conseillé. »

Par Janlou Chaput, Futura, le 02/12/2017

Document 2 : Le générateur aléatoire de comparaisons absurdes sur Lemonde.fr

Document 3 : Les expérimentations aléatoires en économie

Esther Duflo est une des économistes français les plus connus dans le monde. Elle préconise, lors de la mise en place de politiques publiques d’évaluer leur efficacité en utilisant les expérimentations aléatoires. De quoi s’agit-il ?

Prenons l’exemple d’un projet qui consisterait à distribuer gratuitement des ordinateurs portables à des collégiens pour améliorer leur niveau scolaire. Le commanditaire du projet serait en droit de se poser la question : est-ce que « ça marche » ? L’évaluation intervient pour chercher à répondre à cette question et savoir si « quelque chose », que ce soit une politique publique, un programme d’aide ou encore un médicament, donne des résultats.

Comment évaluer?

Toute la difficulté revient à se demander « ce qui se serait passé » si l’intervention n’avait pas existé (on parle d’une « évaluation contrefactuelle »). Admettons que pour soigner des maux de tête, je prenne un cachet d’aspirine. Au bout d’une heure, la douleur a disparu. Puis-je pour autant en conclure que le médicament a marché ? Certainement pas, car pour cela il aurait fallu savoir si ma douleur aurait persisté en l’absence de la prise de ce cachet. Après tout, peut-être que les maux de tête seraient partis d’eux-mêmes. Or au niveau individuel, on ne peut présumer d’une causalité. Il en va de même pour un collégien pris isolément : si son niveau a augmenté quelques mois après la distribution de l’ordinateur, la relation de cause à effet n’est pas démontrée pour autant, car son niveau aurait tout aussi bien pu augmenter sans l’octroi d’un ordinateur.

Une solution pour dépasser ce problème consiste à ne plus raisonner au niveau individuel, mais au niveau groupal. Prenons deux groupes A et B présentant des caractéristiques suffisamment similaires (p.ex. : âge moyen, pourcentage de garçons, niveau scolaire) et permettant ainsi de supposer que l’un comme l’autre agirait de la même manière en l’absence de distribution d’ordinateurs portables. Ainsi, lorsque le groupe A reçoit des ordinateurs portables et que le groupe B n’en reçoit pas, on peut penser que le niveau atteint par le groupe B à la fin de l’année scolaire est celui qu’aurait atteint le groupe A s’il n’avait pas eu d’ordinateurs portables.

Bien sûr, la difficulté repose sur la constitution de groupes pouvant être comparés. Plusieurs méthodes existent, mais la plus convaincante est le tirage au sort. Pour peu que les élèves soient suffisamment nombreux, il y a de grandes chances pour qu’un tirage au sort permette de constituer des groupes semblables.

Voilà donc la méthode des expérimentations aléatoires : diviser une population en deux groupes. Le programme est appliqué au groupe de traitement (ou test), tandis que le groupe de contrôle (ou témoin) ne reçoit pas d’ordinateurs. Au bout d’un certain temps, la différence entre les groupes permet ainsi de mesurer l’effet du programme testé.

Le portail de l’Economie, des finances, de l’action et des comptes publics economie.gouv.fr par Arthur Jatteau

Questions :

  1. D’après vos connaissances, donnez une définition de la corrélation et une définition de la causalité. Quelle est la différence entre les 2 ?

On parle de corrélation lorsque des variables évoluent en même temps, c’est-à-dire des variations concomitantes de deux phénomènes. Il y a un lien de causalité lorsqu’une variable est explicative de l’évolution d’une autre variable.

  1. Le document 2 présente l’évolution du taux d’homicides au Salvador depuis le milieu des années 1990 ainsi que le nombre de nouveaux nés prénommés Kevin dans le département des Bouches du Rhône sur la même période.
  • Lecture. Quel est le taux d’homicides au Salvador en 1995 ? Quel est le nombre de nouveaux nés prénommés Kevin à cette même date ?

Il y a environ 225 Kevin qui naissent dans les Bouches-du-Rhône en 1995. Le chiffre se lit sur l’axe des ordonnées à droite du repère (orange comme la courbe).

  • Interprétation. On observe que les 2 variables évoluent dans le même sens. Pensez-vous qu’il puisse y avoir une corrélation ? une causalité ?

Il y a environ 225 Kevin qui naissent dans les Bouches-du-Rhône en 1995. Le chiffre se lit sur l’axe des ordonnées à On observe en effet une variation concomitante des deux variables. Elles évoluent dans le même sens (il y a de moins en moins de prénommés Kevin qui naissent dans les Bouches du Rhône et de moins en moins d’homicides pour 100 000 habitants au Salvador). Il s’agit donc d’une corrélation (et on peut dire une corrélation positive car les deux variables vont dans le même sens). En revanche, il est difficile d’imaginer un lien de causalité entre ces deux variables. Cela voudrait dire qu’il y aurait des gens au Salvador qui détesteraient tellement le prénom Kevin prononcé avec l’accent marseillais qu’à chaque naissance d’un Kevin dans les Bouches du Rhône ils iraient tuer quelqu’un ? Ou, si la causalité était à l’inverse, que la recrudescence de meurtres au Salvador dissuaderait certains parents des Bouches du Rhône d’appeler leur enfant Kevin ? « Chérie, je vois que le taux d’homicides au Salvador est passé sous la barre des 60 pour 100 000 habitants. Je crois qu’on peut l’appeler Kevin ». Ce n’est pas vraiment raisonnable !

  1. Dans quels cas y a-t-il une « fausse causalité » entre A et B, c’est-à-dire une corrélation qui n’implique pas de causalité de A vers B ? (attention : plusieurs réponses sont possibles!).
  • Lorsque c’est en fait B qui est la cause de A.

En effet, quand on observe une corrélation entre A et B, ce n’est pas forcément A qui cause B. ça pourrait être l’inverse, B cause A. Par exemple, si on observe que les gens qui font du sport sont en meilleure santé, bien sûr cela peut être parce que les gens font du sport qu’ils sont en meilleure santé, mais ça pourrait être parce qu’ils sont en meilleure santé que les gens font du sport…

  • Lorsque la corrélation est négative.

Non. La corrélation est négative quand 2 variables évoluent en sens inverse : quand l’une augmente, l’autre diminue. Mais une corrélation négative ne dit rien de la causalité. Il peut y avoir corrélation négative et lien de causalité, ou corrélation négative et fausse causalité.

  • Lorsqu’il y a une autre variable, C, qui cause à la fois B et A.

Oui ! Une corrélation entre A et B peut tout à fait exister sans que A cause B, ni que B cause A. Il peut en effet y avoir une autre variable encore qui agisse sur les 2, sans que l’une n’agisse sur l’autre. Par exemple, on a observé que 25% des filles prénommées Madeleine, Irène ou Ariane ont eu mention très bien au Bac en 2013. Voilà une corrélation entre le prénom (A) et la réussite au bac (B). Mais ce n’est pas parce qu’elles s’appellent Madeleine, Irène ou Ariane qu’elles réussissent leur bac ! (A n’est pas la cause de B). Ce n’est pas non plus parce qu’elles ont eu mention très bien au bac qu’elles s’appellent Madeleine, Irène ou Ariane ! elles portaient ces prénoms avant d’avoir leur bac… (B n’est pas la cause de A). Il y a une autre variable, la catégorie socio-professionnelle des parents (C) qui influe à la fois sur le prénom (davantage de parents de catégories socio-professionnelles supérieures aiment les prénoms Madeleine, Irène et Ariane) ET sur la réussite au bac (les enfants de ces parents sont mieux préparés à l’examen…) C’est bien une variable C qui cause A et B. Il y a du coup une corrélation entre A et B, mais pas de causalité de A vers B. Donc, si un jour vous donnez naissance à une fille, ne l’appelez pas Madeleine juste pour qu’elle réussisse au bac. Ça risque de ne pas marcher. En revanche, si vous adorez le prénom Madeleine, n’hésitez pas à le donner à votre petite. Mais alors vous pourrez vous interroger sur vos goûts pour les prénoms avec la sociologie, surtout si vous appartenez à une catégorie socio-professionnelle supérieure !!

  • Lorsque par hasard A et B évoluent dans le même sens mais qu’il n’y a rien qui relie ces 2 variables.

Oui ! On en a justement vu un exemple avec le taux d’homicides au Salvador et le nombre de nouveaux-nés qui reçoivent le prénom Kevin dans les Bouches du Rhône. Si ça vous amuse, vous en trouverez plein sur le générateur de comparaisons absurdes du site lemonde.fr.

  1. Dans le document 1, la corrélation entre la consommation de chocolat et le nombre de prix Nobel pourrait être une fausse causalité. Lorsque Franz Messerli dit : « les prix Nobel pourraient être des gens tellement savants qu’ils connaîtraient les vertus du cacao sur l’intellect, expliquant ainsi pourquoi ils en mangent davantage… » de quelle type de fausses causalités listées à la question 3 s’agit-il ?

Il s’agit de la première de la liste : ce serait en fait B qui causerait A. La consommation de chocolat ne serait pas une explication du nombre de prix Nobel, c’est le nombre de prix Nobel qui expliquerait la consommation de chocolat, ces derniers étant plus enclins à en consommer…

  1. Toujours dans le document 1, Eric Cornell, prix Nobel de physique, dit : « La consommation nationale de chocolat est corrélée à la richesse d’un pays et la recherche de haute qualité est elle aussi corrélée avec la richesse d’un pays. » La corrélation entre consommation de chocolat et nombre de prix Nobel par habitant est elle d’après lui le résultat d’une relation de causalité ? S’il s’agit d’une fausse causalité, de quelle sorte de fausse causalité listée à la question 3 s’agit-il ?

Il s’agit cette fois de la 3ème proposition listée à la question 3 : une variable C influerait à la fois sur la consommation de chocolat (A) et sur le nombre de prix Nobel (B), et cette variable C serait la richesse du pays. Cette explication est évidemment de loin la plus plausible !

  1. Le document 3 nous dit qu’il est difficile en économie de prouver qu’il existe une relation de causalité quand on observe une corrélation entre 2 variables. Pourquoi, si on observe que des étudiants qui reçoivent un ordinateur gratuit ont un meilleur niveau scolaire après l’avoir reçu, cela ne suffit-il pas à démontrer que c’est grâce à l’ordinateur reçu ?

Il faudrait pouvoir connaître le niveau scolaires de ces étudiants au même moment s’il n’avait pas reçu l’ordinateur gratuit, ce que l’article nomme « le contrefactuel ». Ces étudiants auraient très bien pu progresser sans ordinateur, donc nous ne pouvons pas attribuer ces progrès à l’ordinateur.