Chapitre 3 – Quelles sont les principales défaillances de marché ?

Objectifs d’apprentissage

Comprendre :

  • Comprendre que le marché est défaillant en présence d’externalités et être capable de l’illustrer par un exemple (notamment celui de la pollution).
  • Comprendre que le marché est défaillant en présence de biens communs et de biens collectifs, et être capable de l’illustrer par des exemples.
  • Connaître les deux principales formes d’information asymétrique, la sélection adverse et l’aléa moral, et être capable de les illustrer par des exemples (notamment celui des voitures d’occasion pour la sélection adverse et de l’assurance pour l’aléa moral).
  • Comprendre que la sélection adverse peut mener à l’absence d’équilibre.
  • Être capable d’illustrer l’intervention des pouvoirs publics face à ces différentes défaillances.

Découvrez en vidéo : Externalités et défaillance de marché

Durée : 9:29

Approfondissement : taxe carbone v. marchés à polluer

Notions : *externalités, taxe, quota, allocation des ressources.

Depuis le protocole de Kyoto de 1997, les pays signataires réfléchissent à des politiques pour limiter les émissions de gaz responsables du changement climatique. En France, la taxe carbone sur les énergies fossiles qui émettent beaucoup de CO2 faisait partie du pacte écologique que Nicolas Hulot avait fait signer aux candidats à la présidentielle en 2007, et a été progressivement mise en place depuis. Cependant, elle a suscité récemment la colère des gilets jaunes au motif que les ménages les plus pauvres supporteraient davantage que les ménages aisés le coût de cette dépollution.

Document 1 :  Équilibre sur le marché du diesel

Equilibre sur le marché du diesel

Le coût marginal social est le coût engendré par la production d’une unité supplémentaire de diesel pour la société entière. Il comprend donc le coût marginal privé – c’est-à-dire le coût de production + le coût de la pollution pour l’ensemble de la société.
Le coût marginal privé correspond au coût marginal des entreprises productrices de diesel.

Document 2 : Type de carburant selon la zone de résidence

Type de carburant selon la zone de résidence

Document 3 : Article de journal

Un marché de permis à polluer plus efficace qu’une taxe carbone

Le rapport Rocard sur l’instauration d’une taxe carbone en France sera remis demain. La Polémique monte sur ce qui apparaît comme un nouvel impôt sur les ménages. Pour éviter l’usine à gaz, la généralisation d’un système de quotas-avec-marché serait une bonne solution. (…) Le président de la République a affirmé son soutien à la mise en place d’une taxe carbone, dite “contribution climat-énergie” pour limiter les émissions françaises de CO2 liées au transport et à l’habitat. L’intention est louable, mais on peut redouter qu’il ne s’agisse pas du meilleur choix.
Dans le cadre de la lutte contre le changement climatique, les émissions de CO2 des grands établissements industriels sont réglementées au niveau européen. Pour une période donnée, ils reçoivent chacun un certain nombre de “permis à polluer”, qu’ils peuvent ensuite vendre ou acheter sur un marché, si leurs émissions polluantes sont inférieures ou supérieures aux quotas qui leur ont été fixés au départ. (…) Il aurait été souhaitable, selon nous, d’utiliser un système analogue et non une taxe pour limiter en France les émissions de CO2 liées au transport et à l’habitat (les deux autres tiers).
Contrairement à ce que certains prétendent, un tel système de quotas-avec-marché ne serait pas beaucoup plus compliqué à mettre en œuvre qu’une taxe carbone. (…) Et un tel système présente des avantages notables par rapport à une taxe carbone. Pour réduire les émissions de CO2 au moindre coût, il faut que les pollueurs qui peuvent le plus facilement diminuer leurs émissions de gaz le fassent d’abord, en permettant à ceux pour qui c’est le plus onéreux de s’y mettre plus tard. Si l’aciérie Dupont doit dépenser 40 euros pour éviter d’émettre une tonne de CO2 supplémentaire, alors que le chalutier Rossi ne doit dépenser que 30 euros pour un même résultat, on peut économiser 10 euros en demandant à Rossi de réduire d’une tonne ses émissions et en permettant à Dupont d’émettre une tonne de plus. (…)
Les supporters de la taxe carbone ont raison de vouloir la mettre en œuvre très rapidement. En effet, la question climatique est urgente, et le contexte politique actuel apparaît particulièrement favorable à la mise en place d’une telle taxe. Le score des Verts aux dernières élections et les sondages d’opinion indiquent qu’un grand nombre de Français sont prêts à accepter un coût accru de leurs consommations d’énergie. On ne peut néanmoins pas être sûr que cette préoccupation pour le climat conserve longtemps sa prééminence face aux questions de revenu, de pouvoir d’achat et d’emploi. Il est possible que, même si une taxe carbone est aujourd’hui mise en place, elle puisse ensuite être édulcorée. En revanche, avec un système de quotas-avec-marché, les hommes politiques doivent convaincre les électeurs d’adopter un objectif environnemental, le quota global d’émissions autorisé, et cet engagement pourra être plus largement partagé sur des bases éthiques que la levée d’une taxe sur les consommations énergétiques.

Extrait du Journal Le Monde, publié en septembre 2014 parIsabelle Rey-Lefebvre

Questions :

  1. Le document 1 représente l’équilibre partiel sur le marché du diesel. Expliquez l’écart entre le coût marginal social et le coût marginal privé.

Le coût marginal social additionne le coût marginal privé et le coût de la pollution. Il est donc plus élevé que le coût marginal privé (la courbe est plus haute et plus à gauche sur le graphique).

Pour un bien qui ne génère par d’externalité, le coût marginal privé, c’est-à-dire le coût des entreprises, et le coût marginal social, c’est-à-dire le coût pour toute la société, sont confondus. Sur le marché du scoubidou, ce que coûte à la société de produire des scoubidous correspond à ce que ça coûte aux entreprises de produire des scoubidous (si on considère que produire des scoubidous ne pollue pas). Mais sur le marché du diesel, cela n’est pas vrai. Ça coûte plus cher à la société de produire du diesel que ça ne coûte aux entreprises privées, car la société se compose des entreprises et des consommateurs qui supportent un désagrément lié à la pollution de l’air.

  1. Montrez sur le schéma du document 1 que le marché libre aboutit à une surconsommation de diesel par rapport à l’optimum.

Sur le schéma du document 1, c’est le prix p2 qui permet d’égaliser l’offre et la demande. A cet équilibre, la quantité de diesel produite et vendue sur le marché est de q. Pourtant, si l’offre prenait aussi en compte la pollution, elle serait confondue avec le coût marginal social, et l’équilibre se ferait pour un prix plus élevé, p1, et une quantité moindre de diesel serait produite et vendue :Q* .
Donc, si on laisse faire le marché, on produit et on consomme trop de diesel. Le marché ne peut pas prendre en compte la pollution, et ne permet pas d’aboutir à un optimum.

  1. Expliquez comment l’introduction d’une taxe sur l’offre de diesel permettrait de mettre un terme à cette surconsommation. Où se situerait la courbe d’offre taxée sur le schéma du document 1 ? Quel serait alors le prix du diesel sur le marché ? Mettez en évidence le montant de la taxe sur le schéma.

Lorsqu’on introduit une taxe sur l’offre, cela « déplace » la courbe d’offre vers le haut et vers la gauche du schéma. L’écart vertical entre les 2 droites correspond alors au prix de la taxe.

Schéma 1 de la question 3

En effet, pour un même prix payé par les consommateurs, le producteur reçoit un montant moindre lorsqu’il doit s’acquitter d’une taxe. Il va donc offrir une quantité qui correspond au prix diminué de la taxe. Le schéma ci-contre représente le cas général : pour un prix donné, par exemple p1, sans la taxe, les entreprises offrent q1. Mais si l’État impose une taxe d’un montant t, alors quand les consommateurs payent le prix p1, les entreprises ne reçoivent que p1-t. Et donc elles vont offrir une quantité qui correspond à ce qu’elles proposaient à ce prix p1-t sans la taxe : q2. Avec la taxe, pour le prix p1, les entreprises offrent la quantité q2. L’écart entre les 2 droites pour une quantité donnée est donc de t.
Dans le cas du marché du diesel, pour arriver à l’optimum, il faudrait imposer une taxe d’un montant tel que la courbe d’offre taxée soit confondue avec la courbe de coût marginal social. On l’a représentée sur le schéma ci-dessous :


Schéma 2 de la question 3
  1. A l’aide du document 2, expliquez qui va principalement payer le coût de la dépollution avec une telle taxe.

Sur le schéma du document 1, c’est le prix p2 qui permet d’égaliser l’offre et la demande. A cet équilibre, la quantité

Même si c’est l’offre qui est taxée, ce sont toujours pour partie les offreurs et pour partie les consommateurs qui supportent le prix de la taxe. En effet, les producteurs reçoivent un prix plus bas qu’avant, puisqu’ils payent la taxe, mais les consommateurs voient les prix augmenter…
(Bonus : rappelez-vous qu’entre offreurs et demandeurs, ce sont les moins sensibles au prix qui vont payer le plus gros de la taxe).
Les consommateurs de diesel vont donc supporter une partie non négligeable de la taxe carbone. Le document 2 montre que les consommateurs de diesel sont majoritaires parmi les ménages ruraux ou périurbains, ceux qui ont des véhicules fonctionnant à l’essence étant moins nombreux relativement. Au contraire, chez les ménages de centre-villes ou proches banlieues, ce sont les véhicules fonctionnant au l’essence qui sont majoritaires. La taxe carbone va donc peser davantage sur les ménages ruraux et périurbains.

Bonus : Les ménages ruraux et périurbains ont d’ailleurs à priori une demande de diesel plus rigide que les ménages des centres-villes et des banlieues, qui ont plus d’accès à des transports publics et peuvent plus facilement se passer de leur voiture si le coût d’utilisation devient trop élevé.

  1. Le document 3, extrait du journal Le Monde de 2014, propose la mise en place d’un autre système : un marché de permis à polluer. Tracez sur le schéma du document 1 le quota de permis à polluer qui serait équivalent à la mise en place de la taxe.

Un quota se représente par une droite verticale correspondant à la quantité souhaitée. Ici, la quantité optimale de production de diesel pour la société, qui prendrait en compte à la fois les besoins de transport des consommateurs et la pollution que cela engendre, serait de Q* . L’État devrait fixer un quota égal à cette quantité Q*.

Schéma 1 de la question 5
  1. Montrez que ce système pourrait être plus juste si les permis étaient initialement alloués majoritairement aux ménages ruraux et périurbains.

Si on alloue un quota de permis, on arrive au même optimum social qu’avec une taxe. Mais ce ne sont plus les mêmes qui doivent consentir à un effort pour réduire la pollution : si les permis sont majoritairement alloués aux ménages ruraux et périurbains, pour eux le diesel ne sera pas plus cher. Mais pour un ménage de centre-ville, il faudra acheter non seulement le diesel, mais aussi des permis d’utilisation du diesel. Pour ces ménages, l’utilisation du diesel coûtera plus.
Ainsi, certains de ces ménages renonceront à utiliser du diesel et se reporteront vers d’autres moyens de transport. Or ce sont justement les ménages urbains qui ont le plus de possibilités de substitution, donc il serait plus juste de les contraindre eux à modérer leur consommation de diesel pour réduire la pollution.


Découvrez en vidéo : Biens communs et collectifs et défaillance de marché

Durée : 4:16


Découvrez en vidéo : Information asymétrique : sélection adverse et aléa moral

Durée : 3:48


Découvrez en vidéo : Illustrer l’intervention des pouvoirs publics face à ces différentes défaillances

Durée : 6:01